Dans plusieurs marchés de Cotonou, d’Abomey-Calavi et de Porto-Novo, un phénomène inattendu perturbe le commerce de proximité : de nombreux commerçants refusent désormais les pièces de 5 et 10 francs CFA, persuadés qu’elles seraient utilisées dans des rituels occultes. Ces petites unités monétaires, pourtant essentielles dans les transactions quotidiennes, sont ainsi entourées d’un climat de suspicion grandissant.
Surnommées localement « Vôkouè » ou « argent sacrificiel », elles sont accusées d’être porteuses de malédictions destinées à nuire à la prospérité de ceux qui les acceptent. « Quand quelqu’un me tend une pièce de 5 francs, je refuse tout de suite. On ne sait jamais ce qu’il y a dessus », confie une vendeuse de tomates rencontrée à Abomey-Calavi. Cette crainte, alimentée par les croyances mystiques, s’étend au point que certains commerçants refusent même de rendre la monnaie en petites pièces, créant tensions et incompréhensions avec les clients, notamment les ménages aux revenus modestes pour qui chaque franc compte.
Pourtant, sur le plan institutionnel, ces pièces restent pleinement valides. Émises par la BCEAO, elles ont cours légal dans toute transaction et devraient être acceptées sans réserve. Mais face à des croyances profondément ancrées, les règles monétaires peinent à s’imposer, d’autant qu’aucune campagne officielle de sensibilisation n’a, pour l’instant, été initiée.
Ce rejet des pièces de faible valeur met en lumière la difficulté de concilier pratiques traditionnelles et exigences économiques modernes. Alors que le franc CFA demeure au cœur des échanges dans la sous-région, certaines de ses plus petites unités se retrouvent marginalisées pour des raisons spirituelles plutôt qu’économiques, soulevant une interrogation majeure : comment harmoniser rationalité financière et imaginaires sociaux dans le quotidien des marchés béninois ?
Deo-Grathias Jolidon OUSSOUKPEVI
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